En 1970, avec la création de la république, nous sommes entrés dans le cycle infernal de la guerre. J'ai été convoqué pour être médecin militaire pendant une année, et après je suis redevenu médecin civil de 1972 à 1975 ; j'ai exercé à Kompong Speu comme responsable médical de la Province.
Le 17 avril 1975, jour fatidique, nous sommes entrés dans le régime de terreur des Khmers rouges.
Je sais que c'est douloureux de raviver des souvenirs pour vous, mais pourriez-vous parler de cette période ?
Notre maison à Phnom Penh |
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Le 17 avril 1975, lors de l'entrée des Khmers rouges à Phnom Penh, je travaillais à l'hôpital de Phnom Penh et mon épouse venait d'être opérée. Les soldats nous ont ordonné de rester à l'hôpital. Toutes les rues étaient noires de monde, c'était le début de la déportation. Peu de temps après, les malades ont été évacués par camion, sauf ma femme car j'étais médecin. Pendant cette semaine, j'ai remarqué que les camions qui étaient chargés d'évacuer les malades partaient et revenaient à vide au bout de cinq minutes. Je me posais des questions sur la rapidité de cette rotation. Où les mettaient-ils ?
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Dessins fait par un Cambodgien dans le camp de Khao I Dang |
Au bout d'une semaine vint notre tour d'être évacués. Entre-temps nous avons essayé de retourner à la maison pour savoir ce que devenaient nos filles, mais ce fut impossible. Mon père, qui était venu à l'hôpital pour visiter mon épouse, ne put repartir. Il est resté avec nous.
À vingt kilomètres de la capitale, on nous a débarqués sur la route en nous disant de nous débrouiller chacun pour soi. Nous nous sommes mis à l'abri dans une tranchée le long de la route. J'ai cherché des branchages pour faire une espèce de cabane pour être à l'abri du soleil. J'ai rencontré des malades qui avaient pu sortir de la fosse commune où ils avaient été jetés plusieurs jours avant. Ils avaient le ventre ouvert. Les jours suivants l'"Angkar" c'est à dire l'organisation suprême anonyme, nous a obligés à travailler
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Au début, j'ai été gardien d'un champ de légumes, puis j'ai travaillé dur à la rizière, et peu à peu je n'ai plus parlé de mon ancienne profession, c'était trop dangereux car ils éliminaient tous les intellectuels. Le travail variait tous les trois mois en changeant de régime de travail. Au bout d'une année, j'ai commencé à dépérir. je n'avançais plus que sur les genoux. On m'a mis dans un hôpital qui en fait était un mouroir : ceux qui y entraient ne ressortaient que morts. Je ne sais comment j'ai pu tenir.
Par la suite, des rumeurs nous sont parvenues selon lesquelles les Vietnamiens attaquaient le Cambodge., puis nous avons entendu le bruit du canon. Les Khmers rouges nous ont poussés vers la frontière de Thaïlande. Je me suis arrêté à Battambang. Mon neveu ayant su par les camionneurs que j'étais à Battambang, je lui ai demandé d'aller chez nous et d'écrire sur le mur que nous étions à Battambang au cas où mes filles et ma belle-mère reviendraient - si elles étaient vivantes ? Ce qu'il fit et quelques semaines plus tard nous nous sommes tous retrouvés. Sauf la dernière qui était morte fautes de soin.
![]() Dans le camp de Khao I Dang ![]() Immatriculation comme réfugiés |
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